Le dessein du dessin

Chacun devrait alors dire ses routes, ses carrefours, ses bancs. Chacun devrait dresser le cadastre de ses campagnes perdues (…). Nous couvrons ainsi l’univers de nos dessins vécus. Ces dessins n’ont pas à être exacts. Il faut seulement qu’ils soient tonalisés sur le mode de notre espace intérieur. (La poétique de l’espace – Gaston Bachelard)

Vous avez dit « projet  » ?

Il est amusant de constater que l’origine des mots dessein et dessin se retrouve autour d’un même mot : celui de projet. Dessiner, c’est projeter, se projeter, avec un objectif initialement défini.
Pour cette série de dessins à l’encre de chine, mon dessein est d’assembler, de relier des formes animales, végétales, minérales, pour créer des Chimères fantastiques.

L’exemple de « Nemea »

Tout a commencé avec une idée de « patte de lion »  (qui rappelle les pieds de certains meubles d’époque). A cette vision, s’est superposée celle d’un feuillage et la forme d’un nuage. Le décor est planté, à droite du châssis. La suite du dessin est en quelque sorte conditionnée par ce premier impact sur la toile. L’idée de lion perdurera dans l’intitulée de ce dessin : Nemea, en référence au célèbre Lion de Némée, créature fantastique de la mythologie grecque.

De "l'idée patte de lion" à Nemea... ou le cheminement du dessein/dessin

De « l’idée patte de lion » à Nemea… ou le cheminement du dessein/dessin

Commencer un dessin, c’est renaître à la curiosité, la recherche, la patience et l’impatience absolues. Renaître à la création.
Dessiner, c’est exercer la discipline du faire et s’y plier à chaque fois comme avant… comme jamais.
Parfois aussi pour ne pas sombrer dans le puits de la vie. Parfois simplement pour avancer. Parfois pour avoir une excellente raison d’être très matinale. Pour sauver deux heures d’une journée ordinaire, réparer ce qui fait mal, donner au noir de la douceur.
Un après-midi de dimanche, soleil et brouillard où l’on ne sait que faire de soi-même… et l’action pacificatrice du dessin : aller de découverte ténue en infime découverte … Ce petit volume en suspens, là, qui lévite un peu… Tiens ici, on dirait un petite plume… : moments légers et réconciliateurs.
Dessiner c’est travailler la texture, la matière.
Refuser de s’ennuyer, surtout quelques secondes.
Se reprendre, se ressaisir dès que le trait se déconcentre.
Ré-attentionner le trait.
Douceur, légèreté. A peine effleurer. Insister. Insistant. Varier, varier et varier ; étonner, s’étonner… Petit à petit le message devient plus obscur, moins rassurant, plus complexe.
Dessiner c’est avoir hâte de découvrir : découvrir ce que la logique visuelle et sensitive ou sensorielle a déterminé et comment cette logique du dessin s’est emparée du dessein initial.
Dessiner, c’est me dire soudain : « Il est sorti d’affaires ». Ce « ça » existe, il a son autonomie, sa logique intérieure : je peux désormais lui attribuer un nom.

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